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Jeux, inventions et bêtises en tout genre...

Nous avions école à 9 heures le matin et jusqu’à 15 heures. Il faisait nuit à 18 heures en hiver et à 19 heures en été. Nous avions donc du temps pour jouer. 

J'étais à l'école primaire Notre-Dame du Bon et Perpétuel Secours, une école du gouvernement. Maman nous emmenait à l'école à pied en passant devant les pompes funèbres. Nous nous racontions qu'il fallait se baisser pour qu'on ne puisse pas prendre nos mesures ! Tout le monde disait ça ! A Maurice tout était sujet à rigolade, c'était typique. On avait cet esprit de rigolade entre gosses. 

A 11 ans pour le secondaire, j'ai été au couvent de Lorette de Quatre-bornes et je prenais le train. Pour aller à la gare, nous passions devant l'église où nous nous arrêtions toujours. Il y avait comme à Lourdes, une Vierge avec une balustrade devant laquelle nous faisions une petite prière. Les frères n'allaient pas à la même école. Dans le train, nous avions droit de monter en deuxième classe mais nous rentrions en première. Quelquefois nous prenions le train en marche, on adorait ça. Le contrôleur surveillait, il savait que, nous les chipies, faisions des bêtises. Alors nous rentrions bien en seconde mais après le départ du train, nous allions en première par le marche-pieds. Mais une fois, le contrôleur a fait la même chose, et nous a attrapées mon amie Françoise et moi (elle était très intelligente et c'était ma grande copine). Il nous a menacées de le dire à notre père. Arrivées à Quatre-Bornes, nous sommes aussitôt allées à l'église prier le Bon Dieu pour que le contrôleur ne dise rien à nos pères parce que nous ne savions que trop bien ce qui nous attendait sinon.

Nous étions des enfants en liberté toute la journée, et vivions des aventures comme dans les histoires d'Enid Blyton ! Tout ce que nous pouvions faire, nous le faisions. Avec Françoise, nous nous arrêtions chez monsieur Jean-Louis qui avait des goyaviers. Quand nous voyions des goyaves mures, nous entrions discrètement, grimpions dans le goyavier pour piquer des goyaves qu'on mangeait en allant à l’école !  Un jour, nous avons été attrapées par monsieur Jean-Louis qui a dit qu'il allait tout raconter à nos pères. Et hop prière au Bon Dieu ! Finalement aucun n'a parlé… 

A la maison, nous enlevions nos chaussures. En bas de notre rue, il y avait un reposoir où l’on posait la statue de la Vierge lors des processions et où on priait. Parfois Volo et moi, nous allions pieds-nus jusqu’au reposoir. Une fois nous sommes partis pieds-nus au reposoir en pensant que Dad n'était pas là. Malheureusement, il nous a vus. Qu'est-ce qu'il nous a punis ! Le fait d'aller dans la rue pied-nus, on pouvait nous prendre pour des petits créoles pieds-nus, c’était intolérable pour lui ! Il fallait avoir des chaussures. Jamais des gens de la population de couleur ne faisaient des choses pareilles ! D’ailleurs, je me demandais comment faisaient les noirs pour marcher pieds-nus tout le temps sur l’asphalte brûlante.

Avec mon frère, nous ne cessions pas d'imaginer des nouveaux jeux. Nous fabriquions des cornets comme les chinois le faisaient avec du sucre : nous préparions de beaux cornets avec du papier journal, y mettions de la terre ou n'importe quoi, et le posions dans la rue. Arrive une indienne, qui regarde s'il n’y a personne, attrape le papier et quand elle ouvre et découvre la supercherie, nous gueule dessus ! Et nous, on riait, on riait !

Nous jouions au "Tidley Winks" : il fallait ramasser tous les bouchons de boissons, les écraser et les mettre les uns sur les autres et, avec un autre objet, presser le tout pour essayer de gagner le plus possible de capsules. Nous avions toujours nos poches pleines de capsules, on ne s'ennuyait jamais !  Nous jouions à la marelle comme ici, et aussi aux billes : nous creusions un grand trou, dans lequel il fallait tenter d'envoyer les billes. C'était notre grand jeu !

Nous étions gourmands et mangions des bonbons ronds chez les chinois, et des sucres d'orge qu'on étirait. Les chinois, les créoles nous recevaient toujours contents, parce que nous ne nous occupions pas de leur couleur. Nous étions toujours bien accueillis.

Pendant notre enfance, on voyait encore des charrettes tirées par des bœufs chargées à bloc, qui transportaient les cannes à sucre. Mon frère et moi, nous tirions à l'arrière un bâton de canne chacun et on se régalait du jus sucré qui en sortait. On ouvrait l'écorce qu’on pressait. L’intérieur était fibreux et il en sortait un délicieux jus sucré. Quand je suis retournée plus tard à l’Ile Maurice, j’ai vu qu’ils avaient maintenant des machines pour presser les cannes à sucre et extraire ce jus sucré. 

Nous avions une imagination débordante dans les arbres. Nous y grimpions pour lire, pour manger des mangues, des litchis, des baies. Dans les arbres en été, nous attrapions des larves de guêpes, demandions une poêle à la cuisinière et les faisions frire pour les manger. Nous étions toute la journée dehors quand il n’y avait pas école, c'était la joie. Nous étions vraiment bien.

Nous cuisinions des gâteaux de boue et avions fabriqué un petit four avec des morceaux d’aluminium. Nous avions peur des lézards verts parce que, quand ça vous tombe dessus, c'est glacé, vraiment pas agréable. Mon frère nous courait après pour nous en mettre dessus.

Petits, nous jouions beaucoup à la ronde (La tour prend garde, Malbrough s'en va en guerre…) et à la "moque délivré" avec les cousins (une canette qu’on envoyait et les autres allaient se cacher) et c’était le seul jeu avec les grands sinon ils nous poursuivaient car notre seul plaisir était de jouer pieds-nus et de nous salir le plus possible. 

Jusqu’à l'âge de 12 ans, on s'est amusés comme des fous. Après la mort de Maman, tout ça a changé. C’était fini. Quand Maman est morte, Grand-mère ne savait plus à quel saint se vouer tant mon frère et moi étions terribles !  Dans la cour, il y avait deux goyaviers. Notre jeu consistait à nous y balancer. Mon frère se mettait sur un arbre, moi sur l'autre : nous étions des pirates sur leur bateau. Nous avions pris des vieux draps de Grand-mère pour faire des voiles quand tout-à-coup Grand-mère arriva : "descendez de là ! Je vais le dire à votre père !".  Nous nous amusions d’un rien. Nous prenions un bambou dans lequel nous mettions une tige et nous nous envoyions des boules capok pour faire la guerre comme des pirates. Tous les deux, nous chantions "Grand-mère, viens nous chercher ! La jeunesse, la jeunesse, la jeunesse aura toujours raison." C'était la chanson en vogue à ce moment-là. Pauvre Grand-mère ! Comme elle ne pouvait rien faire, le soir quand papa rentrait, elle lui racontait nos exploits : "elle a fait ci, il a fait ça...".