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Voisins

Dans nos quartiers résidentiels de banlieue, les maisons se succèdent souvent collées les unes aux autres. Cette promiscuité n'est pas sans conséquences car il faut savoir partager son bout de trottoir avec les voisins (notamment pour garer les voitures), et rester courtois avec ceux qui ne le sont pas. Fort heureusement, il y a aussi de bons moments passés avec ceux que nous apprécions.

Les voisins ? Vaste sujet ! 

- il y a ceux de droite avec lesquels nous sommes devenus amis parce que nos filles ont fréquenté la même classe, parce que nous pratiquons des échanges ("t'as pas un oeuf ? il te reste un peu de farine ? tu aurais pas un médicament pour les allergies ? tu me prêtes ton échelle...."), mais aussi parce que nous aimons partager ensemble un bon petit apéro ! Nous sommes conscients de la chance que nous avons de nous être trouvés et d'avoir sympathisé (il parait qu'avec les anciens proprios, c'était pas la joie...). Bref, ils sont vraiment sympas ! (j'en rajoute un peu au cas où ils liraient ces lignes...).

- il y a les gentils petits vieux à gauche, que nous saluions quand ils prennaient le soleil dès les premiers rayons du printemps, qui se reposaient, heureux et paisibles, dans leur jardin fleuri en été, mais qui se fanaient un peu plus chaque automne. Et puis, il y a eu un printemps où il n'y en avait plus qu'un et le suivant où il n'y en avait plus aucun... Les printemps passent à présent sur le jardin sans plus personne pour en profiter.

- il y a les voisins d'en face (les numéros impairs) : la petite mamie qui ouvre ses volets en même temps que nous le matin. Elle ne sort plus guère et les infirmières la visitent deux fois par jour. Elle a une femme de ménage, un jardinier et un fils qui vient souvent pour le déjeuner ou en famille le week-end. A sa droite, il y a la maison de  "super papy", super dynamique mais super bavard, à qui il ne faut pas se risquer à adresser la parole le matin quand on est pressé ! Il y a les voisins plus discrets qui saluent du bout des lèvres et vivent en totale autarcie, ou encore le bricoleur avec qui on échange outils et "trucs et astuces" et occasionnellement un peu d'huile de coude.

 Au final, on connait plutôt bien les deux ou trois maisons de chaque côté et en face de chez nous, mais ça ne va guère plus loin. Et quand je parle de mes voisins à d'autres connaissances du bout de la rue, ils ne les connaissent pas : c'est long une rue ! 

 Et puis, il y a la maison de derrière, celle des voisins dont vous ne connaissez pas le nom et que vous ne croisez jamais puisqu'ils n'habitent pas la même rue, mais avec lesquels vous partagez un mur mitoyen : le "voisin du fond du jardin".

Ce voisin-là, nous connaissons sa vie : les déjeuners dominicaux en famille, les barbecues entre amis, les fêtes d'anniversaires de leurs jeunes souvent en juin après les examens, les volets qui indiquent les heures de lever et coucher ou les départs en vacances, la couleur des draps qui sèchent en été, l'abri de jardin refait à neuf, la camionnette des pompiers qui vient chercher le père qui s'est coupé le bras en bricolant, la jeune fille sans nom qui fume sa cigarette le matin et que l'on aperçoit en ouvrant nos volets...

Somme toute, nous connaissons leur rythme de vie, leurs habitudes, sans jamais (ou presque) leur avoir adressé la parole. Quant à eux, ils ont vu monter nos murs, connaissent aussi nos habitudes, les volets du dernier que l'on ferme à l'heure où eux passent à table, les ballons qui arrivent chez eux, les bruits de bricolage ou les mélodies du piano. Ils étaient et sont aux premières loges ! Tant et si bien que nous avons l'impression de les connaître. 

Cette semaine, un faire-part sur la porte de la boulangerie annonçait le décès d'une jeune fille... "Pauvres parents !" pensai-je, sans y prêter plus attention : je ne connais personne de ce nom ! C'est toujours triste de voir des parents annoncer le décès de leur enfant. On ne peut rester insensible.

Et c'est au détour d'une conversation avec un autre voisin que nous avons réalisé que nous ne verrions plus la jeune fille qui fumait sa cigarette le matin quand nous ouvrions nos volets. Adieu Léa ! Il aura fallu que tu meures pour que nous sachions ton prénom ! "Mais pourtant, je l'ai vue il y a quelques jours fumant sa clope matinale ?!!"...

Quelques heures, quelques jours... Les jours défilent dans nos banlieues et des drames se jouent à quelques mètres de nous.