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Au rythme d'un poème

  • Sur la route

    Sur la route, j’ai laissé derrière moi clients et dossiers pour quelques congés qu’on dit mérités

    Quittant une région parisienne désertée,

    où août ne laisse plus dans les rues que personnes âgées

    et ouvriers s’activant courageusement aux travaux d’été.

     

    Sur la route, à mesure que les kilomètres filaient, ma vie défilait

    Seule dans ma clio, comme nous l’étions jeunes mariés,

    le nid s’est vidé et la berline familiale n’a plus d’utilité.

    Mes pensées voyagent des temps forts de cette année écoulée aux projets de la rentrée.

     

    Sur la route, les lignes m’hypnotisent et me conduisent,

    Sans que le temps après lequel je cours si souvent, n’ait plus l’air important.

    Sur fond musical, plein de poésie française, l’aiguille de vitesse paresse et s’abaisse,

    Permettant aux paysages de dévoiler leurs beautés que les bolides SUV ignorent sans pitié.  

     

    Sur la route, pour se rejoindre, il suffit d’avoir laissé le quotidien, sans besoin d’aller bien loin.

    A l’instar de la vie, offrant de multiples possibilités de destinées à discerner,

    Les routes se font plus vallonnées, champêtres et enlacées,

    Aux couleurs repeintes, chaque heure selon la luminosité, chaque saison selon les plantations.

     

    Et si, au bout de la route, après de petits villages où s’ajoutent chaque année des nouveautés,

    se trouve un lieu familier, plein de cette intimité de l’enfance, presque un musée,

    le cœur allégé du poids du quotidien, ici ou ailleurs, il sera bien temps d’arriver,

    après un voyage intérieur plein de douceurs, après une route dessinée avec sérénité.

     

    Bel été.

  • Vous en connaissez beaucoup des lieux comme ça ?

    Il est un lieu où coule une source aux vertus étonnantes,

    Un lieu unique où malades, invalides et personnes âgées passent en premier,

    Un lieu dont l'histoire fait pâlir d'envie les meilleurs scénaristes de Disney-Pixar,

    Un lieu où se rassemblent régulièrement de grands scientifiques pour conclure qu'en l'état actuel de leurs connaissances, ils ne peuvent expliquer ce qu'ils ont constaté

    Un lieu où les mercis sont gravés sur les murs par milliers,

    Un lieu où des frissons vous parcourent à la lecture des récits miraculeux qui y ont eu lieu,

    Un lieu où, d'un même choeur, parlent dans des langues différentes des foules venues d'ici et d'ailleurs, avec ferveur, sans heurts et dans la bonne humeur,

    Un lieu où l'altruisme se vit toute la journée, par ces hospitaliers qui donnent leur temps, leur engagement, leurs compétences gratuitement,

    Un lieu où le temps se suspend pour faire place à l'oraison, la méditation, l'introspection, les processions,

    Un lieu où tant de lumières brûlent d'espérances que le jour ne semble plus vouloir se coucher,

    Un lieu où le nombre de prières s'élevant vers Dieu dépassent les étoiles des cieux,

    Et comme le disait Bernadette : je suis chargée de vous le dire, pas de vous le faire croire.

    Venez vous-même voir.

    Lourdes

  • Ode au piano

     

    Ruban binaire où valsent avec entrain des mains,

    de noires en blanches, sans rien de manichéen

    Sur des touches à la mécanique bien réglée,

    Suite de demi-tons et tons harmonisés.

    Allegretto, ma non troppo, con spirito. 

    Pratique, il est ouvert et prêt à tout jouant

    Ludique, il attire les plus jeunes comme un aimant

    Sensible, il joue de séduction tel un amant

    Sentimental, il inspire les âmes à tout vent.

    Allargando, ma non troppo, con moto. 

    Jeu de mains pas vilain, ensemble ou à son tour, 

    Il s’apprivoise en jouant un peu chaque jour,

    Comme on s’entraine pour une longue randonnée

    Selon un rythme et doigté bien articulé.

    Crescendo, ma non troppo, con fuoco

    Ses émotions sont un panorama de saisons

    En accords majeurs ou mineurs à l’unisson

    De ses basses résonnant comme un cœur battant

    Aux aigües brillantes tel un cours d’eau ruisselant.

    Meno mosso, ma non troppo, con brio. 

    En suivant les conseils d’un guide très avisé,

    Son apprentissage permet d’atteindre des sommets

    Avec en prélude, quelques marches et fantaisies,

    Où l’on découvre la vibration par sympathie.

    Tempo primo, espressivo, piano, piano... 

    Et si, comme moi, sur ses chemins cadencés

    Vous jouez de chance et croisez une ode passionnée

    Suivez en confiance ses harmonies orchestrées

    Ouvrant des horizons aux mesures enchantées.

  • Bienveillantes

    Au cœur des Yvelines, au pied d’une abbaye en ruine

    Il y a avait là Anne, Alexandra, Hélène et Perrine,…

    Par groupe de dix, masquées, elles se découvraient.

    Olivia, Odile, Émilie, Elodie, et Maïté,…

    Pas de chichis entre femmes, et mères de famille

    Catherine, Cécile, Geneviève et Camille,…

    Inconnues il y a un instant, les voilà dans la confidence

    Brigitte, Agnès, Chantal, et Constance,…

    Toutes différentes, mais animées d’une même foi, 

    Blanche, Florence, Capucine et Linda,…

    Jeune ou petite, blonde ou métisse, mince ou ridée

    Julie, Virginie, Carole et Chloé,…

    Institutrice ou juriste, infirmière  ou adjointe au maire,

    Marie-Lucie, Aurélie, Kandice et Claire,…

    Pédiatre, ostéopathe, ingénieure ou professeure,

    Nathalie, Sophie, Zhor et Eléonore,…

    Avec sur le dos, bien plus qu’une simple sac à pique-nique

    Adeline, Annie, Sabine et Véronique…

    Des intentions pour leurs familles, enfants, maris, amies,

    Daphnée, Amélie, Bérénice et Stéphanie…

    Habituées du Rosaire ou jeunes converties,  cathos touristes ou accros,

    Adèle, Corinne, Pauline et Margaux…

    A mesure que les louanges montaient, leur fardeau s’allégeait

    Agathe, Laetitia, Diane et Alizée…

    Sur ce chemin inconnu, tortueux ou pentu, sauvage ou sage  

    Suzanne, Isaure, Aude et Solange…

    A l’image de leurs jours, chagrins ou radieux, paisibles ou douloureux, chargés ou ennuyeux   

    Aliette, Mathilde, Béatrice et Yseult,…

    Pèlerines et amies d’un jour, écoutées et portées avec bienveillance,

    Patricia, Gwénola, Isabelle et Clémence,…

    Ce fut une journée joyeuse, fervente, enthousiasmante et magnifique  

    Céline, Elisabeth, Armelle, Dominique…

                                                                       et tant d’autres !

  • La valise du pèlerin

    Deux étoiles avancent dans la nuit et s'arrêtent aux pieds de mon logis.

    L'estafette chargée de biens précieux me dépose un baluchon poussiéreux.

    Comme un enfant ébaubi devant un présent, j'ouvre ce sac attendu impatiemment.

    Une fois écarté un paquet de linge encrassé sans intérêt,

    Plus qu'un simple bagage, s'étale sous mes yeux un témoignage :

    deux cailloux à l'éclat simple et coloré comme les beautés de ces paysages arides et inhabités

    une poignée de sable du désert, comme autant de pèlerins allant semer la bonne parole sur terre,  

    une fiole d'eau du Jourdain, pour chaque jour renouveler sa foi et son entrain,

    une faïence de Tabgha qui à défaut de multiplier le pain, servira l'apéro aux copains,

    un rameau du mont des oliviers, symbole de la force de l'amitié,

    des croix de Jérusalem à offrir à ceux que j'aime,

    des objets pieux pour aider ceux qui les recevront à louer Dieu,

    un carnet de chants noirci d'écrits plus ou moins savants, mémoire de moments de louanges et d'enseignements,

    une Bible devenue illustrée, vrai trésor d'espérance à puiser, d'amour à donner,

    et un châle en cachemire du souk multiculturel, souvenir d'un chemin de Croix éternel.

    Tous ces souvenirs très présents allègent mes pas pour aller partager cette grande joie

    rapportée de ces lieux dont le seul nom "Terre Sainte" fait briller les yeux des plus pieux.

  • Le funéversaire

    Funeste anniversaire ni festif ni austère 

    qui rassemble quatre enfants autour d’une mère,

    en mémoire du triste jour où leur père

    a cédé aux assauts répétés du cancer.

     

    L’absence est peu visible en ces murs qu’il avait choisis

    où chaque objet parle d’un moment de sa vie,  

    où le petit salon s’est paré de son visage à travers les âges

    et près de cinquante années de mariage.

     

    L’absence est un bouquet d’émotions

    Du premier printemps qui pleure sans raison

    à l’été aux cœurs réchauffés et aux noces d’or sans marié

    à l’hiver cruel qui réveille des douleurs non soignées.    

     

    L’absence a résonné à chaque goutte de pluie du toit qui fuyait

    Devant la piscine verte qu’aucun chlore ne pouvait réguler

    Devant ce potager sans salades ni tomates pour se régaler

    Dans cette moitié de lit aux draps jamais défaits.

     

    L’absence est une suite de clins d’œil réguliers,

    Un message non-envoyé dans un lieu qui l’aurait interpellé,

    Un surnom à (quasi) exclusivité qui n’est plus prononcé

    Une fête des pères sans coup de fil à passer  

     

    L’absence est un album de souvenirs sans fin

    Où chacun dépose à satiété les siens

    Un bon mot, une  photo, un instant commun

    où l’on se dit que la vie à parfois de drôle de desseins

     

    Et quand penser à l’absent accroche un sourire,

    rendant présents les souvenirs,

    chacun réalise l’importance de se réunir

    pour partager des moments de plaisir. 

  • Orchestre automnal

    Sous un ciel bleu clair d’automne, simple et sans fioritures, sans cet aplomb insolant du bleu d’été, la lumière douce caresse le paysage que coiffe un souffle joyeux. Con allegrezza.

    Le soleil timide chauffe les promeneurs à travers pulls et coupe-vents, pour profiter encore un instant du jour volé à l’hiver qui s’approche sournoisement. Tranquillo.

    Au détour d’un rocher, une mouette sur son promontoire, insensible à cette météo fantaisiste, surveille crânement la canne à pêche laissée par l’homme jaune parti un peu plus loin sustenter son estomac avec un sandwich pâté à défaut de poisson… Intermezzo.

    Sur la route de côte longeant les rochers, un vieux vélo au guidon rouillé, à la selle durcie et aux vitesses bloquées par le sel, passe avec fracas, filant de ses grandes roues à gentes fines, à la vitesse du vent qui le porte vers l’horizon, sous le chant d’ivresse de son cycliste ébouriffé. Glissando.

    Le vent geint, rit, se calme, hoquette et se moque à nouveau. Il se renforce et devient capricieux, tourmentant la mer qui vient se casser en un feu d’artifice neigeux contre la pointe rocheuse cisaillée par des siècles de sac et ressac, Sforzando.

    Car le vent, chef d’un orchestre improvisé composé de portes grinçantes, de vieilles fenêtres sifflantes, de volets battants et d’objets volants bruissant de notes aigües inattendues, augmente fougueusement la cadence des branches saluant bien bas les rares passants d’une révérence démesurée. Vivaccimo ! Tutti !

  • Famille

    Une famille, c'est un édifice qui se construit chaque jour un peu, et où chaque pièce a son importance et contribue à la solidité, l'originalité et la beauté de l'ensemble

    Une famille, c'est un trésor qui grandit avec le temps et enrichit chacune des autres pièces

    Une famille, c'est un abri mouvant qui s'ajuste au fur et à mesure des choix de chaque élément et qui soutient celui qui présente une faiblesse

    Une famille, c'est un orchestre qui joue parfois de fausses notes mais dont la musique célèbre l'amour et la vie

    Une famille, c'est une bonne recette gourmande que l'on façonne au gré des éléments présents et réinvente quand l'un manque à jamais

    Une famille, c'est une oeuvre d'art où même les absents seront toujours présents dans le temps. 

  • Cauchemars

    La nuit égrenait ses minutes reposantes

    Enrobant la maison de son ombre inquiétante

    Tandis que la perfide lumière du réverbère

    Jouait à animer des jeux, devenus monstrueux.

     

    Quand une plainte craintive retentit dans la nuit :

    Maman chérie, maman chérie !

     

    A l’étage, le petit homme s'est réveillé

    Ses yeux grands ouverts, comme exorbités

    Et son visage défait par la peur,

    Cherchent le réconfort de bras protecteurs.

     

    Un vilain cauchemar l’a épouvanté

    Parce que la lumière n’était pas allumée.

    Sois sans crainte petit Amour,

    Un câlin va chasser ce rêve trop lourd.

     

    La nuit n’est pas une ennemie terrifiante,

    Elle enrobe les objets de son ombre imposante

    Pour bercer les enfants comme une amie

    et donner du repos au corps et à l’esprit.

     

    Va tranquille au pays des rêves, petit homme

    Un bisou, un câlin et reprends ton somme.

     

    La nuit égrène à nouveau ses minutes reposantes

    Enrobant la maison d’une ombre changeante

    Tandis que la douce lumière du réverbère

    Guide les dormeurs vers d’autres rêves éphémères.

     

    Quand une plainte craintive retentit dans la nuit :

    Maman chérie, maman chérie !

     

    A l’étage, pour la troisième fois, petit homme a appelé

    L’horloge explique la lourdeur des paupières de sa mère

    En la narguant de chiffres unitaires

    Elle se lève, ensommeillée, et monte à son chevet.

     

    Il n’a plus envie de dormir, assure-t-il avec aplomb

    C’est pourtant bien l’heure d’avoir un sommeil de plomb !

    Il entoure sa mère de ses bras fluets, lui raconte sa vie,

    Et c’est elle qui est bien vite endormie.